Il y a de cela quelques jours, j’ai
fait un grand changement dans ma vie. Je ne suis pas partie vivre à
Dubaï. Je ne suis pas devenue végétarienne. Je ne me suis même
pas fait faire une nouvelle coupe. Non, il s’agissait de quelque
chose de bien plus difficile pour moi. Je me suis séparée d’un
livre. Pour la première fois de ma vie (à part bien sûr les Bibles
que je reçois chaque année à Noël et que je vends sur Internet
pour acheter une paire de chaussures).
Je garde tous mes livres. Des bandes
dessinées de mon enfance aux livres de philosophie du lycée, je les
ai toujours conservés, comme des enfants qu’on n’aime pas
toujours mais qu’on doit protéger parce qu’ils font partie de la
famille. Et parce qu’ils vont payer pour votre retraite (les
enfants, pas les livres).
Bien sûr, je ne pouvais me résoudre à
l’abandonner dans une station de métro quelconque sans savoir ce
qui lui arriverait c’est pourquoi je me suis inscrite à un
charmant petit site appelé BookCrossing.com, où vous pouvez suivre
le parcours de vos enfants livres. La visite du site
fut assez extraordinaire : je pouvais voir tous les endroits où
les gens abandonnaient leurs livres, et de quels livres il
s’agissait. Quelques Book Crossers avaient déjà « libéré »
des MILLIERS de livres, tels des graines jetées au vent. Je devins
alors très enthousiaste à propos de ma nouvelle décision : je
voulais faire partie de cette communauté, partager un peu de lecture
avec le monde, être comme un Père Noël littéraire pour un
bienheureux étranger.
J’ai donc choisi un livre (pas l’un
de mes favoris bien sûr, je n’étais pas encore prête pour cela,
mais un bon bouquin quand même, lu il y a un an de cela), l’ai
enregistré sur le site, écrit un petit mot dessus avec le numéro
de suivi donné par le site, relâché dans un parc et suis rentrée
en attendant que quelqu’un le trouve et se manifeste sur le site.
Est-ce que ce fut douloureux ?
Oui. Est-ce que j’en ai eu des nouvelles pour l’instant ?
Non. Est-ce que je pleure la nuit à l’idée de mon pauvre livre
seul, trempé par la pluie, ignoré par la foule passant près du
banc où je l’ai déposé ? Oui. Mais je n’ai pas perdu la
foi, et vais sur le site chaque jour en attendant des nouvelles. En
attendant que quelqu’un laisse un message disant : « Oh
mon Dieu ce livre a changé ma vie, je ne veux plus me suicider et
vais maintenant passer mon existence à aider des enfants africains
grâce à vous, vous méritez un prix Nobel ». Ou quelque chose
comme ça (bon, j’avoue qu’un simple « Je l’ai trouvé,
il est sympa à lire » me suffirait).
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A few days ago, I
made a huge change in my life. I didn’t move to Dubai. I didn’t
become a vegan. I didn’t even get a new haircut. No, it was
something far more difficult for me. I let go of a book. For the
first time in my life (except of course the Bibles I get every
Christmas and sell on the Internet to buy a pair of shoes).
I am a true book
keeper. From the comics of my childhood to my philosophy books in
highschool, I’ve always hang on to them, like children you don’t
always like but you have to protect ‘cause they’re family. And
because they will pay for your retirement (children, not books).
Of course, I
couldn’t resign to just throw it away in some subway station and
not know what would have happened to it, so I subscribed to this
lovely little website called BookCrossing.com, where you can keep
track of your abandoned children
books. Visiting the place was amazing: I could see all the places
where people dropped books, and their titles. Some of the Book
Crossers there had already « freed » THOUSANDS of books,
like seeds in the wind. I became really excited about my new
decision ; I wanted to be part of this community, share some
reading with the world, be like a Book Santa for a stranger. So I
picked a book (of course not one of my favorite, I wasn’t ready for
this yet, but still a good one that I read a year ago), registered it
on the website, wrote a little note on it with the track number the
site gave me and poof, released it in a park and went home waiting
for someone to find it and tell it and the website.
Did it hurt ?
Yes. Do I have news yet ? No. Do I cry at night imagining my
poor book alone, wet by the rain, ignored by the crowd passing by the
bench where I left it ? Yes. But I didn’t loose faith, and
check the site everyday waiting for news. Waiting for someone who
would leave a comment saying « Oh God this book changed my
life, I no longer want to commit suicide I will dedicate my existence
helping African children thanks to you, you deserve a Nobel prize ».
Or something like that (actually a mere « Found it, loved it »
would be enough).